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Ashley Hans Scheirl — Tranny’s Pleasures: Pain_things in a Crazy World

22 octobre 2021 @ 11 h 00 - 4 décembre 2021 @ 19 h 00

Ashley Hans Scheirl — Tranny’s Pleasures: Pain_things in a Crazy World

« Elles disent qu’elles inventent une nouvelle dynamique. Elles disent qu’elles sortent de leurs toiles. Elles disent qu’elles descendent de leurs lits. Elles disent qu’elles quittent les musées les vitrines d’exposition les socles où on les a fixées. Elles disent qu’elles sont tout étonnées de se mouvoir1. »
Londres, années 1990. Hans Scheirl (également connu·e sous les prénoms successifs d’Angela, Hans Angela, ou plus récemment Ashley Hans) est au cœur de la scène queer et lesbienne. Sa bande s’auto-intitule joyeusement et ironiquement les Proud Perverts (« fiersères pervers·e·s »). L’artiste pratique alors avec brio le film expérimental, mêlant sans vergogne tous les genres, jouant sur un ABC de la série B ou du film Z. Les home movies ont sa prédilection, qui lui permettent de présenter sa famille élargie, non pas fondée sur une logique biologiquement reproductive mais plutôt sur un amour nourri par l’amitié, les collaborations, le sexe queer et le polyamour. Son mot d’ordre commence à émerger : « transmedia, trans-gender, trans-genre » — iel ne déviera pas de cette direction.
Paris, automne 2021. À la galerie Loevenbruck, Ashley Hans Scheirl fait de l’espace une œuvre d’art à part entière. Et cet espace est habité : par les créations exposées, par les corps des visiteurs et visiteuses en mouvement, par les fantômes de ce qui a eu lieu et de ce qui adviendra. Toute cette énergie, indique l’artiste, « active » l’exposition, annihilant la « machine de distanciation » qu’est le white cube. Si vous tapez « Tranny’s Pleasures » dans un moteur de recherche, ce n’est pas un salon de thé à Saint-Germain-des-Prés que vous trouverez, mais de nombreuses vidéos pornographiques mettant en scène une sexualité trans. « Tranny » est une façon dévalorisante d’appeler les trans ; choisir ce titre correspond au retournement sémantique de l’insulte, qui devient fierté et étendard, des termes comme « pédé » ou « gouine » étant ainsi assimilés et transformés en un geste militant.
Mais que se passe-t-il exactement dans cette exposition ? À l’origine se trouve le dessin, geste primordial pour l’artiste. Nous sommes ici face à des dessins surdimensionnés, des objets linéaires exagérés qui, découpés en formes, posent sur des jambes de métal, deviennent des co-protagonistes dans l’espace, qui sont autant de clichés subvertis, de figures archétypales genrées. Ces sculptures planes apparaissent telles des figures cartoonesques, voire travesties. L’exposition présente une mise en abîme : les peintures se convertissent en accessoires, décor, mise en scène de nos corps ; le corps étant au cœur du processus artistique d’Ashley Hans Scheirl. Du film expérimental à la peinture tant abstraite que figurative, la charge libidinale reste intacte, il s’agit de brouiller les catégories. Flux financiers, fluides corporels, épanchements de désirs coulent en continu, se rencontrent parfois, avant de faire un brusque écart, de changer de rythme, constituant quantité de réseaux transverses.
Le système patriarcal et capitaliste évoque une poule à laquelle on aurait coupé la tête : il court partout sans savoir qu’il est déjà mort. Suivons la bannière d’Ashley Hans Scheirl, forme indéterminée surmontée d’une pluie d’or — qui n’est pas sans rappeler Zeus abusant de Danaé enfermée dans sa tour, selon une nouvelle version du récit mythologique, qui voit non seulement Danaé se sauver mais aussi en profiter pour changer de sexe au passage. La violence du pouvoir social est convoquée et transformée en énergie libidinale. Accrochée à l’extérieur de la galerie, cette bannière nous montre la voie : « Il nous reste donc une révolution à connaître (et à mener), celle de la désexualisation de la façon dont nous percevons les corps et dont nous vivons notre propre corporéité.2 » Cette désexualisation se reconfigure chez Ashley Hans Scheirl en resexualisation. Il s’agit d’imaginer une sexualité non centrée sur le « bio-pénis » (pour reprendre ses mots), mais des fantasmes et une pratique explorant d’autres gestes, d’autres voies ; ainsi qu’iel le fait si bien dans sa vie comme dans son art, multigenrés et transformatifs.
Daria de Beauvais
1 Monique Wittig, Les Guérillères, 1969, Paris, Les Éditions de Minuit, 2019, p. 173.
2 Camille Froidevaux-Metterie, Le Corps des femmes. La bataille de l’intime, Paris, Philosophie magazine Éditeur, 2018, p. 108.

Détails

Début :
22 octobre 2021 @ 11 h 00
Fin :
4 décembre 2021 @ 19 h 00
Catégorie d’Évènement:

Lieu

Galerie Loevenbruck
6, rue Jacques Callot, 75006 Paris - France + Google Map

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